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LA PRAIRIE


À John Gray.


Une âme est sur la route et mène un cheval pâle,
Doux et bridé d’argent et qui marche sans bruit.
Une âme est sur la plaine et le cheval la suit,
Qui dans ses belles dents tient le bout blanc du châle.

Au front du cheval grand, tremble un étang d’opale
À travers l’âme tout le clair de lune luit :
Ils avancent au gré de l’ineffable nuit,
Passants de la prairie étincelante et pâle.

Or les pieds délicats de l’âme sur les prés,
Voici qu’en leur sillage aux gazons éthérés,
Surgissent des lys lourds comme des tourterelles.

Mais le cheval splendide ignore qu’en marchant,
Il brise à chaque pas les fleurs surnaturelles,
Et de ces blanches morts jonche le vaste champ.