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LA GRÂCE


Si la beauté n’était que la beauté. Si les yeux n’avaient à aimer que des formes arrêtées entre des lignes harmonieuses et immobiles, l’admiration serait toujours austère. L’homme serait tenté plus souvent d’imaginer dans la perfection esthétique une âme suprahumaine, inconnue aux sens, révélée à la seule intelligence, et adorable comme l’idéal le plus haut dont le rêve nous soit permis. Quelque chose de religieux se mêlerait à l’enthousiasme, et l’artiste lui-même, simple manœuvre au pouvoir d’une force étrangère et libre, n’aurait pour son œuvre achevée que des yeux fervents et respectueux, exempts d’orgueil comme de fatuité.


Mais la Beauté se meut.


Les attitudes sacrées, les poses hiératiques s’amollissent, se courbent, se réalisent. Les bras se plient comme pour embrasser, les jambes fléchissent comme pour courir, un sourire ouvre