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répétez pas une consonne forte plusieurs fois de suite, à moins que vous ne cherchiez un effet de violence. »


Corps femenin tant es tendre
Polly, souëf, si precieulx…


« Tant es tendre » trois T et un D ! et c’est admirable ! C’est contre toute règle sensée, et c’est immortel !

Là, c’est le défaut qui est la beauté. Ces trois T sont tellement durs qu’on ne peut pas les dire à la suite. Instinctivement le lecteur ralentit, détaille :


Qui tantt’… es… tendre.


et en même temps qu’il insiste sur tant qui est le mot capital du vers, il prononce tendre avec une inflexion qui lui donne sa plus haute valeur.

Donc il n’y a pas de loi.

Et là où il n’y a pas de loi, comment y aurait-il des juges ?

C’est pourquoi j’admets qu’un normalien fasse l’analyse scientifique d’une œuvre d’art, qu’il étudie l’adjectif chez Montaigne, le sternomastoïdien chez Michel Ange ou l’ombre portée chez le Titien. Il y a des monographies intéressantes à faire sur tout cela.

Mais quant à m’expliquer comment et pourquoi