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I


La jeune fille arabe a de dix à douze ans.

Ceci est capital.

Elle a douze ans comme la jeune fille grecque. C’est la δωδεϰέτις νύμφη des poètes de l’Anthologie. Nubile depuis plusieurs années, elle est femme par le corps et par la beauté ; mais les transformations de sa poitrine et de ses hanches ne sauraient faire qu’elle ne soit restée, cérébralement, une petite fille. À Corinthe ainsi qu’à Bagdad elle joue encore aux osselets, une heure avant de suivre son premier amant ; il n’y a pas de transition pour elle entre les jeux de la chambre et ceux du lit, rien de ce que nous appelons en Europe la « jeunesse », qui sépare l’enfance de la maternité. La jeune fille arabe est toujours un enfant, et c’est par là qu’elle donne le ton (de même que la vierge Hellène) à la poésie amoureuse toute naïve qui refleurit depuis trois mille ans autour des mers levantines.

Volontairement naïve est cette poésie, et sincèrement, et à propos. Que de sottises critiques n’avons-nous pas lues sur la « fausse naïveté »,