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devant un livre de 1904 que nous le sommes nous-mêmes devant une chanson de geste. L’espèce d’effarement que nous éprouvons devant le mot faze écrit par M. Meyer, notre mot phase le leur donnera en sens inverse, c’est l’évidence même.

Et alors l’immense patrimoine de science et d’érudition amassé par les deux derniers siècles et légué par eux à celui-ci, les millions et les millions de livres français qui représentent l’effort national jusqu’à l’heure actuelle et qui ont en puissance l’énergie pensante de la génération future, ces livres qui sont toute la fortune de l’instruction publique et le capital intellectuel de la France, nous les verrons bientôt interdits virtuellement à la jeunesse entière ou réservés à quelques chartistes qui joueront le rôle d’interprètes entre nous et nos petits-neveux.

M. Meyer ne mesure pas lui-même les conséquences de la réforme qu’il soumet et cela est assez naturel : toutes les orthographes lui sont familières ; son métier est de déchiffrer. C’est pour cela qu’il a été créé, comme disent les bonnes gens, et mis au monde. Lire la même phrase écrite de deux façons, c’est un jeu pour lui ; mais c’est une tâche pour le commun des hommes, et comme nul n’accepte de lire en épelant, comme les deux tiers d’une lecture se passent à parcourir les pages inutiles pour arriver tout droit à la