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l’idée intelligente de mêler au théâtre nouveau le théâtre ancien oublié, et d’unir sur la même affiche le nom de Christopher Marlowe et le nom de M. Pierre Quillard ; — enfin, il créa ce qui est devenu l’Œuvre.

Grâce à lui, Maurice Mæterlinck, Charles Van Lerberghe, Paul Verlaine, Charles Morice, Jules Bois et bien d’autres qui depuis sont devenus célèbres, connurent la rampe. Il joua même le Concile Féerique, même le Corbeau de M. Mallarmé. — Pour tout cela, notre génération doit à M. Fort une singulière gratitude.

Mais dès qu’il eut donné la première impulsion au nouveau mouvement théâtral, M. Fort l’abandonna pour se consacrer, dans une solitude féconde, à des œuvres plus personnelles.

Deux livres sont nés de cette retraite, tous deux intitulés Ballades, dont le second complète et couronne le premier. M. Paul Fort y donne les réalisations initiales d’une forme stylique dont il est l’inventeur et qu’il nomme proses libres.

Ce sont, essentiellement, de petits poèmes en vers polymorphes ou en alexandrins familiers[1], mais écrits comme de la prose et qui doivent (ceci est important) être lus comme des proses rythmées. Le seul retour, parfois, de la rime et de l’assonance distingue ce style de la prose lyrique.

  1. J’appelle ainsi les alexandrins qui comprennent douze syllabes sonores et laissent les muettes élidées.