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Si personne peut-être n’a mieux écrit en vers que Pierre Corneille. Personne.

Racine a dit, le premier, de Pierre Corneille qu’il était né sans maître, qu’il n’avait pas connu d’égal et qu’en toutes les parties de son œuvre, « même dans la comédie », il était « inimitable ». C’est le mot.

Mais il y a vingt mille vers de Corneille que bientôt on ne pourra plus signer Molière. Les poètes comprendront sans peine que l’auteur de Sganarelle n’ait pas écrit sitôt après, à quarante ans ; l’École des Femmes. On n’apprend à l’âge d’Arnolphe ni le violon, ni la danse de ballet, ni la virtuosité suprême du vers et du style cornéliens. Je sais bien que tout est simple pour la crédulité des moliéristes, même ce que Molière leur raconte sur les naissances miraculeuses des Fâcheux et de Psyché. Mais les élèves de Paul Lacroix entendent peu de chose à l’histoire et moins encore à la dramaturgie ; Et rien à l’âme de Corneille.

Ils me demandent pourquoi Corneille n’aurait pas revendiqué sa part de gloire dans l’Imposteur. Revendiqué ! Sa part de gloire ! Damis pense-t-il à sa gloire quand il écrit L’Imposteur ?

Il met en garde tous les foyers de France contre le fourbe qui faillit faire le déshonneur de sa maison. Et vous voulez qu’il signe le rôle d’Elmire ? qu’il dise au public : « C’est maman ? »

Non. Pierre Corneille n’a pas dit cela.