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Eh bien, c’est Damis qui a fait l’Imposteur. C’est le fils d’Orgon et d’Elmire.

Les cornéliens comprennent ce qui échappe à Molière lui-même, comme je vais avoir l’honneur de le dire à messieurs les moliéristes : Damis est le premier rôle du drame.

Damis dit à Orgon : « Je suis Rodrigue de toute mon âme et je ne veux pas d’un père tel que toi. » Il fait tout pour élever à lui le père et la mère qui le conçurent. Et par Damis nous comprenons pourquoi Rodrigue relève l’honneur de son père et puis, ne veut même pas que son père l’embrasse. Le soufflet, ce n’est pas don Diègue, c’est Orgon qui l’avait reçu.

Ainsi Pierre Corneille se prit-il de passion pour l’histoire espagnole, comme Damis l’eût fait à sa place. Lorsque, six mois après le Cid, on lui donna ses titres de noblesse, il n’en voulut pas de la main de Louis XIII, il entendit ne les tenir que de son père et c’est Orgon qu’il fit anoblir par le roi.

Mais comment les moliéristes s’expliqueraient-ils Rodrigue ? Qu’y a-t-il de commun entre eux et l’écrivain sacré qui trouve d’instinct les préséances de l’honneur, de l’amour et de la mort ?


On dira seulement : — Il adorait Chimène.
Pour venger son honneur il perdit son amour.
Pour venger sa maîtresse il a quitté le jour
Préférant, quelque espoir qu’eût son âme asservie,
Son honneur à Chimène et Chimène à sa vie.