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nèbe, qui savaient le grec aussi bien que nous, et même mieux. Ce fut Anacréon pour Remy Belleau et pour Pierre de Ronsard qui le traduisirent.

Corneille écrit une prose de premier ordre. J’ai eu, depuis un an, le bonheur d’y faire en silence plus de trouvailles que je ne le dirai, mais vous en ferez davantage : il n’y a pas de sujet plus riche ni plus grand en philologie française.

Aussi ai-je tort de citer ici quelques notes comme si j’avais besoin de plaider que deux et deux font quatre et que, sans l’ombre d’un doute, je reconnais cette voix entre toutes les voix :


Les grâces du Ciel que l’on repousse ouvrent un chemin à la foudre.


Vous estimez bien bas les miracles du style, si vous cherchez la signature de ces treize mots. La phrase est prodigieuse. Trois fois elle traverse l’infini sans hâte et rien ne prépare l’adversaire à la dernière syllabe qui le tue. On fera mieux de ne pas croire que certains langages — Corneille, Montesquieu, Châteaubriand — souffrent l’imitation, la rencontre ou, par hasard, le parallèle.

L’œuvre de Corneille est immense. On la croit achevée en dix volumes. Elle en compte peut-être cent. Et rien n’est plus facile que de reconnaître un tel homme, quelque anonymat qu’il garde ou quelque nom qu’il scelle.

Entre tous les styles français depuis trois siècles,