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de sa mort[1] — et pourtant je le vois si nettement en pied que je le décrirais comme s’il était là. M. de Sygognes était grand et maigre, légèrement voûté, avec de longues mains brunes, et des jambes qui prenaient une importance extrême lorsqu’il entreprenait de les croiser. Il riait peu et ce qui amusait ses compagnons ne le divertissait pas toujours, mais tout à coup il éclatait devant des spectacles plaisants pour lui seul. Je l’imagine assez comme un Cervantes que Don Quichotte aurait inventé malgré lui, en sa propre figure.

Il était pauvre et dut à sa misère un premier succès. Ce fut pendant la dernière année du seizième siècle qu’un libraire de Paris se procura copie d’une ode qui courait la ville, et dont Sygognes était l’auteur. Elle avait pour sujet un certain manteau, que le poète devait compter parmi ses relations[2].


Manteau, des manteaux le plus mince,
À jamais exempt de la pince[3]

  1. Sa biographie a été résumée par Paulus Pâris. Tallemant des Réaux tome 1er p. 191-195. Ed. Tristel. Variétés. 1863, p. 264. F. Lachèvre. Bibliographie des recueils de poésie. 1901, 1. p. 310, et Ad. van Bever, Poètes satiriques, 1903, p. 71. Mais il n’a paru nulle part que je sache, une étude critique sur Sygognes, et la liste de ses poésies n’a jamais été donnée. On sait que M. Lachèvre, dans son admirable bibliographie, a laissé de côté les recueils satiriques.
  2. La muse folastre. Édition originale en 73 ff. Paris. Anthoine du Breuil. 1600. p. 11 verso.
  3. Estre exempt de la pince : ne pas risquer d’être volé.