Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 10.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pillage, ne lui parut plus mériter que le choix entre les deux épithètes d’hypocrite et de niais.


Ou bien il jouissait de sa Laurette, ou bien
Il était un grand sot d’aimer sans avoir rien,


dit-il, et ce reproche est curieux de la part d’un poète qui venait d’adresser à une femme insensible deux cent vingt-deux sonnets réguliers, sans compter les élégies, les chansons, les odes et les madrigaux. Il savait bien qu’en abandonnant ainsi publiquement la Dame à qui ses vers juraient un amour plus qu’éternel, et en dédiant à une autre, le deux cent vingt-troisième sonnet, il causerait un grand scandale. Mais, disait-il, si quelque dame me vient reprocher d’avoir abandonné Cassandre,


Et que le bon Pétrarque un tel péché ne fit
Qui fut trente et un ans amoureux de sa dame
Sans qu’une autre jamais lui put échauffer l’âme,
Réponds-lui, je te pri’, que Pétrarque sur moi
N’avait autorité de me donner sa loi.


Ainsi, c’était une rupture complète avec les principes de fidélité qui pendant tout le moyen âge avaient régi la vie exemplaire des poètes, au moins de ceux que lisait la cour. En même temps qu’il ouvrait la poésie française à l’antiquité renaissante, Ronsard venait d’apprendre à l’école des Grecs comment on peut charmer une trop