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d’instruction contre les sorcières, Delrio, publiait des preuves. Il contait d’après Castañeda, comment une jeune femme de Lisbonne, abandonnée dans une île déserte, y avait été séduite par un singe et en avait eu deux enfants. Il affirmait qu’au Pérou, les Indiens prennent pour concubines certaines femelles de grands singes et que natos inde fœtus caput humanum et pudenda habere, cœtera simiis similes esse. Cette description ressemblait bien à l’enfant d’Hipolita.

Et cependant, pour sauver la malheureuse de la torture et du bûcher, il eût suffi que les juges lussent une autre page du même manuel. Ils y auraient vu comment, à Anvers, une parente maternelle de Delrio lui-même s’était trouvée dans un cas tout à fait analogue à celui d’Hipolita. Elle avait eu un singe familier, elle était devenue grosse (pas de lui) et elle avait accouché d’une petite guenon, d’une fille plus simiesque vraiment qu’humaine. Delrio, qui ne veut pas soupçonner sa cousine, attribue la mésaventure aux effets de l’imagination chez les femmes enceintes. Et c’est bien ainsi que nous expliquerons le cas de Messine. Il est même inutile de disculper la mère pour rectifier tout au moins l’état civil de l’enfant. Une dernière question se pose, qui pourrait être préalable : l’aventure est-elle authentique ? Il semble bien qu’elle le soit. Les précisions de noms, de date et de lieu, l’absence de toute cir-