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Renan lui-même n’était pas aussi païen que ce cordelier de 1603. Ce qu’il a dit de la beauté dans une phrase célèbre, Baptiste Bugnet le disait de l’amour, après l’avoir, il est vrai, assimilé à la beauté. Mais tout ceci est beaucoup plus près de saint Platon que de saint Paul.

Nous arrivons enfin au sujet qui est l’antiperistase (c’est-à-dire la mutuelle exaltation) du plaisir et de la douleur en amour.

Cette partie du traité commence par un morceau littéraire d’assez grand style et justifie parfois les éloges de l’Estoile :

Nature nostre commune mere, maria jadis plaisir et douleur, enfans d’amour et de concupiscence… Les redoutables Demons, de leurs funebres flambeaux, honorerent ce funeste hymen… Arriva premièrement Douleur, vestue d’une robe noire toute déchirée, couchée sur une claye, traînée par des vautours, couronnée d’yf et de cypres… Incontinent arriva Plaisir, vestu de pourpre, couronné de lauriers, ombragé de mirthes, encourtiné de palmes, monté sur un char tout doré semé de perles, esmaillé de pierreries, tiré par des aigles et des colombes… Venus qu’ils furent aux mutuels baisers et réciproques embrassements, la Douleur devint grosse de deux jumeaux… etc. (f° 28-30).

Et jusqu’à la fin de son livre, l’auteur développera cette thèse, que l’Amour porte au paroxysme toutes nos sensations et que l’on ne saurait concevoir, ni un plaisir plus intense, ni une douleur plus cruelle que les siennes. Pierre de