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qui tournait Dzeus en ridicule. Avant de fonder une religion nouvelle, il fallait détruire les temples rivaux et souffler la flamme sur Antioche. Clément d’Alexandrie, Lactance, Arnobe brandissaient le Deutéronome sur la pauvre Pasiphaë. Ils donnaient à Satan la forme des satyres. Ils combattaient Vénus comme une reine adversaire. Quel argument c’était pour tous que de choisir entre mille un écrivain irréligieux et de dire : vous le voyez, eux-mêmes ils bafouent ce que nous venons jeter bas !

Non seulement ils nous ont transmis l’œuvre inégal de leur complice, mais ils lui ont attribué, semble-t-il, un certain nombre de morceaux dont Lucien n’était pas coupable. Les philologues distinguent avec certitude ces attributions erronées. Par malheur ils ne s’entendent point. Jadis on admettait que l’Âne fût authentique ; il y a dix ans, sous peine de se faire insulter en Sorbonne, il fallait le signer Lucius de Patras ; aujourd’hui on le rend à Lucien qui l’aurait imité de Lucius… Soit. Ce sont là jeux d’École Normale et cela n’intéresse pas la littérature.

Les Mimes des courtisanes n’ont jamais cessé, par une fortune spéciale, de lui être attribués. Oserai-je émettre l’opinion qu’ils présentent au contraire des signes inquiétants ; que, écrits sous les Antonins, nous dit-on, ils nous montrent la vie d’Athènes assez différente de ce qu’elle était au second siècle de notre ère ; qu’il y a entre leur prose et les vers de la comédie moyenne plus d’un rapprochement à noter ; qu’à défaut de cet argument, on remarquerait qu’ils sont conçus, composés et limités sur le modèle de certains Mimes récemment découverts et dont nous savons au moins qu’ils étaient fort à la mode quatre ou cinq cents ans avant Lucien ; qu’enfin ce sont des chefs-d’œuvre insignes, et que ceci exclut probablement l’idée qu’ils aient pu être imagés sans modèle par l’auteur de l’Okypous.

Quoi qu’il en soit, on peut considérer Lucien comme ayant, sinon inventé, au moins adapté ce recueil de scènes