Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/256

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tait là, perché sur sa « coupée », figé par le devoir à son poste, devenu rouge jusqu’au front, feignant de ne pas comprendre ce qu’on lui demandait d’en bas, détournant la tête, les regardant, eux qui avaient été les amis du défunt, avec un air de les appeler à son secours — et vite…

« Jean Berny, vous savez bien, Jean Berny… quartier-maître de manœuvre ?… » insistait la pauvre voix, maintenant toute étranglée d’angoisse…

Alors, dans sa frayeur folle de la voir monter à bord, Pierre prit une décision brusque et brutale. Au crayon, d’une grosse écriture mal assurée, il écrivit sur son carnet d’appel : « Jean Berny est décédé, à la mer, il y a un mois, » déchira la feuille, la plia en deux et courut la jeter au factionnaire : « Donne-lui ça, petit, donne-lui vite ! » Et puis, se sauva dans la cale, épouvanté comme s’il l’avait égorgée, et suivi des quatre autres, qui ne voulaient pas non plus entendre le cri de cette mère…

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Quand ils remontèrent sur le pont, quel-