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maintenant à ceux qu’elle avait vus revenir, si blêmes, et qui, les entrailles perdues, déclinaient lentement malgré les soins des mères. Et, à mesure que cette Saône se rapprochait, grandissait, grandissait sur la rade houleuse, la joie et l’anxiété de le revoir, alternativement lui revenaient au cœur, toujours plus poignantes ; mais c’était encore la joie qui dominait, avec une impatience tremblante, de le tenir et de l’embrasser…

Pour la seconde fois, elle venait de passer en revue, de l’avant à l’arrière, ces têtes qui apparaissaient partout. Pourquoi ne se tenait-il pas sur le pont, son fils, comme tant d’autres ?… Une angoisse lui venait, là, tout de suite déchirante, tout de suite affreuse, rien que pour ne l’avoir pas déjà vu — ce qui était pourtant si naturel, comme elle cherchait à se l’expliquer à elle-même, puisqu’il pouvait être de quart, de service en bas dans les faux-ponts… La tête un peu perdue, elle commandait au batelier de s’approcher, malgré les gestes du factionnaire de « coupée », — un tout jeune, un