Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et enfin, arriva l’heure recueillie du soir, l’heure du branle-bas et de la prière.

Au commandement coutumier, jeté par l’officier de quart d’une voix brève et distraite, le clairon sonna. Alors ils vinrent s’aligner, deux cents matelots, sortant des flancs du navire par les panneaux étroits, comme un flot qui monte. Cent d’un bord, cent de l’autre, formant deux masses humaines qui avaient des ondulations de troupeau ; on les vit se ranger machinalement, le long de ces frêles murailles basses qui les séparaient de tout le remuement de la mer. Ils étaient tassés, les épaules s’emboîtant les unes les autres ; tassés, tassés sur ce petit refuge de planches qui s’appelait la Saône, — et leur tassement avait je ne sais quoi de pitoyable qui sentait la détresse, au milieu de ce déploiement infini des eaux et de l’air, au milieu de cette débauche d’espace qui était alentour et où, dans les bruissements de lames, dans les cris d’oiseaux, dans tout, chantait la grande Mort…

Sur le pont, était monté aussi le prêtre, dans sa robe noire que secouait le vent.