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temps, c’est que ce retour, ce rêve suprême d’une rentrée à Antibes avec Madeleine et sa mère, lui apparaissait dans un lointain qui, au lieu de se rapprocher, fuyait toujours ; vraiment ce rêve semblait de moins en moins réalisable ; on eût dit qu’il allait s’éteindre, d’une mort infiniment lente, sous toute cette verdure ennemie, sous cette incessante pluie chaude, dans cet air trop chargé de parfums… Et un jour, tout à coup, il s’était senti pris d’une angoisse, d’une angoisse déjà un peu maladive d’exilé et d’anémié, à l’idée que Madeleine avait dix-neuf ans, que depuis dix ou douze mois, se croyant abandonnée, elle avait si bien pu se promettre à un autre. — Alors, vite, vite, il avait pris cette décision qui traînait depuis le départ ; dans la fiévreuse inquiétude de manquer un courrier qui allait passer, il avait écrit à sa mère et au père de Madeleine.

Sa mère, il la suppliait d’intervenir elle-même tout de suite et de demander formellement pour lui cette petite fiancée.