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possibilité de ce rêve puéril et doux, — semblable à celui que font toutes les mères, — de le conserver tel qu’il était là : petit enfant aux yeux limpides et à la tête bouclée ! Oh ! pourquoi est-ce demain, est-ce tout de suite, l’avenir ?… Tant de difficultés allaient se lever bientôt, autour de ce petit être indiscipliné et charmant, qui prenait déjà des allures d’homme malgré l’extrême enfantillage de ses yeux, qui avait des insouciances déconcertantes et qui s’échappait quelquefois, qui s’en allait on ne sait où courir jusqu’au soir. Pour lui donner la même instruction qu’à tous ses cousins plus riches que lui, comment faire ? Et s’il ne travaillait pas, après tous les sacrifices, que devenir ? Maintenant elle ne souriait plus et elle ne voyait plus la procession blanche, ni le gai soleil, ni la fugitive heure présente ; elle se reprenait uniquement à cette pensée, un peu étroite peut-être, mais si maternelle et qui dominait sa vie : arriver à faire de son pauvre petit Jean sans fortune un homme qui fut au moins l’égal des autres garçons de