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fois par jour, tout en vérité, les mains souples et soignées, la moustache frisée au petit fer, la cravate discrète et jusqu’au complet ardoisé du tailleur de Londres, fleuri jusqu’à midi seulement d’une rose jaune, l’été, de violettes russes, l’hiver. N’empêche qu’il ne sorte, lui, du fumier, de l’ordure, du ruisseau et de la pire des boues, de la boue de Londres et de Tunis amalgamées, le jeune Invernesteers. C’est de la boue qu’il a sous la peau, sa peau d’Irlandais roux fraîche et rosée comme celle d’une blonde ; de la boue qu’il a dans les veines, les veines bleues de ses beaux bras d’anglo-saxon charnu, dont l’été dernier les mondaines de Trouville convoitaient la blancheur ; de la boue qui s’épanouit dans la fleur de sa boutonnière ; de la boue qui luit dans l’or de ses bijoux ; de la boue, le saphir monstrueux qui larmoie à son annulaire ; de la boue, les trois perles roses de ses boutons des grands soirs, un légendaire cadeau du bey ; de la boue, la rouille de ses cheveux et de sa moustache floconneuse ; de la boue et toujours et partout de la boue, fleur de boue lui-même. D’ailleurs, tu n’as qu’à le regarder, la nature l’avait prédestiné : il est roux, il a la nuance de poil de la prostituée des Écri-