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ment… nous allons faire émeute au restaurant, savez-vous ? »

Au restaurant !… moi qui avais fait dresser dans le petit salon attenant à ma chambre un dîner de deux couverts, dont j’avais patiemment médité et élaboré le menu.

— Au restaurant ! ne pouvais-je m’empêcher de dire.

— Mais oui, au restaurant. Je vous emmène aux Ambassadeurs, nous verrons ce Kam-Hill dont on conte merveille.

Et, comme suffoquée, je hasardai mon projet de dîner chez moi, en tête-à-tête :

— Dans ce petit salon, s’écriait-il, dans cet hôtel démeublé et désert, nous deux, tous seuls, non merci, c’est trop triste !

Et, durant cet échange de mots blessants et bêtes, pas un serrement de main, par un baiser sur le front ou sur la joue, par un de ces regards caressants qui reprennent possession d’une femme et qui demandent pardon de la phrase brutale et désirent et rachètent : le cœur figé dans la poitrine, je me sentais devenue comme inerte, toute froide devant lui.

— Si cette robe vous déplaît, je vais la défaire et en mettre une autre, mon ami.