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Lundi soir, 1er Juin.

Pourquoi nous obstiner, ma chère,
À vouloir dans un vain effort
Rallumer la flamme éphémère,
Au foyer désormais bien mort.

Quand la source claire est tarie,
Les pleurs de nos yeux arrachés
Feront-ils, ô ma douce amie,
Refleurir les roseaux séchés ?

Vous m’avez pris saignant encore,
Le cœur meurtri d’un autre amour,
Vous avez cru voir une aurore
Dans l’adieu d’un dernier beau jour.

Et je jouissais en égoïste
De votre touchant abandon,
Lisant dans votre regard triste
L’espoir assuré du pardon.

Je fus le chien indifférent
Qui rôde affamé de caresse,
Apitoyant sur sa détresse,
Le long des grands chemins errant.

Je n’eus point la reconnaissance,
Mais j’aurais la sincérité
Et je vous livre la vengeance,
Le mépris de ma lâcheté.

Et tu crois tout expliquer et tout excuser en m’envoyant ces vers. Il y a beau temps que je les connais, ces vers : ils sont le fait d’une âme lâche et égoïste, apitoyée sur ses propres maux, dure à ceux d’autrui, prenant un mauvais plaisir à ressasser son chagrin, en tirant même de