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de réchauffer sous ses baisers cette chair inerte, presque certaine en sa folie de ressusciter ce corps supplicié, de ranimer à sa chaleur ces lèvres froides et le vitreux de ces yeux éteints ! Elle se sait une telle ardeur, un si beau sang !

« Cette insatiable amoureuse acharnée après ce cadavre et convaincue de sa puissance, faut-il vous la nommer ? Cette veuve au cœur embrasé de confiance et qui, devant l’Amour tué, ne veut pas croire à la Mort de l’Amour, mais c’est la Fidélité ou la Foi !

« L’Amour n’est plus, que lui importe !… Elle se sait assez forte pour desceller les tombes et en faire surgir les dieux et les serments défunts !

« Quant au Saint-Jean, d’allure à la fois si recueillie et si triste, solide d’épaules et qui aurait l’air d’un paysan sans la douceur angélique du regard, vous ne le connaissez pas, cet homme au buste de portefaix demeuré seul debout au pied de la croix et dominant de sa haute stature l’écroulement de cheveux et d’étoffes des deux saintes femmes affaissées ? Ses grosses mains noueuses qui soutiennent et retiennent la descente du doux cadavre ailé, vous ne les bénissez pas au passage… mais ce disciple aimé, cher, c’est le Dévouement ! »