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houette de saint Jean attristé détachaient du gibet, comme on cueille un fruit mûr, n’était point le pur et sublime rédempteur des hommes, mais je ne sais quelle équivoque et troublante divinité d’Asie, presque androgyne avec son torse mince et ses bras graciles cerclés de lourds joyaux, ses paupières fardées et son cou blanc comme celui d’une femme.

Suprême impiété, derrière ce front languide, une auréole de plumes de paon s’irradiait, comme autour d’un petit miroir de flabellum ; et c’était comme une mitre à ses tempes déchirées d’épines, une mitre ondoyante et nuancée qui, corrompant et travestissant le caractère du dieu, en faisait je n’ose dire quelle délicieuse et condamnable idole.

Oui, c’était bien l’Amour avec toutes ses ambiguïtés, ses perversions coupables, ses trahisons, ses mortelles langueurs, ses divines faiblesses et son charme adorable et faux de dieu de meurtre et de caresses, subtilement et voluptueusement cruel…

Mais l’Amour enfin mort, supplicié, crucifié par les hommes cette fois révoltés contre leur tyran et devenus les bourreaux justiciers de l’infatigable artisan de leurs peines.