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certes, en rapporter quelques secrets mystérieux d’art occulte et captivant ; car, au milieu des bustes de plâtre et des masques de glaise, elles vivaient étrangement, les deux têtes de cire où mon œil s’attardait maintenant : deux têtes de modèle arrangées dans le goût florentin avec la chevelure lourde et auréolant le front, comme d’un nimbe, des figures de la Renaissance. L’une, celle d’un garçon de vingt à vingt-cinq ans au profil brusque, aux lèvres épaisses et imberbes, les maxillaires développés, avec au menton le coup de pouce du modelage, rappelait vaguement le Laurent de Médicis des musées ; le hausse-col du reître, le bombement de la cuirasse et sur les boucles brunes les plaques d’acier du casque en complétaient l’agencement ; c’était une œuvre vigoureuse et hardie. L’autre, au contraire, tête de femme ou de jeune garçon, à la fois obstinée et endolorie avec ses lèvres d’un rose fané, la transparence de ses chairs un peu fiévreuses et la terreur de ses yeux fixes, vivait et souffrait d’une intense souffrance, et je ne sais quel charme cruel émanait de cette jeune tête épouvantée et muette.