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intéressera prodigieusement. Mais voici la nuit, permettez que j’allume. » — « Inutile », lui disais-je et je prenais congé.

Un hangar à la toiture vitrée au fond d’une petite cour fermée par une barrière à clairevoie : un anneau attaché à une corde met en branle une sonnette rouillée, un grand gars svelte et musclé dans un tricot bleu, qui le moule, entrebâille la porte du hangar. « Entrez ! nous crie-t-on.

C’est Ringel, et maintenant qu’assis dans son atelier peuplé de monumentales statues d’une blancheur crayeuse avec çà et là, posé sur des tablettes, le sourire inquiétant et figé de cires peintes, je regarde ce souple et long garçon à la carnation de blond hâlé, comme rissolée et recuite, s’activer autour d’une terre mouillée qu’il ébauche, avec des agilités de clown et des souplesses attentives de chat guetteur, je ne puis m’empêcher de contrôler dans ma mémoire toutes les histoires plus ou moins absurdes et folles qui m’ont été contées sur ce Ringel. La tête expressive et tenace, la bouche sardonique, sensuelle et jusqu’à la coloration du teint chaud plus sombre que la moustache d’un blond pâle, sont bien celles d’un homme d’aven-