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du départ, elle avait senti, au froid subit lui tombant sur le cœur, que cette séparation était chose impossible ; cette enfant était devenue sienne, son bien, son âme et sa chair. La Barnarina, la froide et l’impassible, avait trouvé son chemin de Damas, les amants méprisés d’aujourd’hui et d’hier tenaient leur vengeance.

La Barnarina était mère sans être épouse : vierge immaculée, comme les mères divines des religions d’Orient, elle gardait scellé le ciboire inviolé de ses flancs avec, dans sa chair, une ardente passion allumée pour l’enfant des entrailles d’une autre.

Rosario, elle aussi, était tout en larmes et le marquis, très ennuyé entre ces deux femmes sanglotant au bras l’une de l’autre, perdait patience et contenance, ne trouvant pas de remède à la situation, ou plutôt hésitait, ne sachant comment en formuler l’ordonnance.

— Ah ! papa, comment faire ? étouffait Rosario.

— Oui, marquis, comment faire ? dites, marquis, comment faire ? répondait la cantatrice en étreignant le front de la jeune fille.

Et alors le marquis, les deux paumes ouvertes avec un geste bonhomme de Cassandre arrangeur de dénouements.