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ches lâches, le blanc de soie de la nuque et, sous la rouille des cheveux blondis, ce profil volontaire et aigu, ces yeux d’un gris d’acier et ce demi-sourire aux lèvres minces et roses dans cette exsangue pâleur, tout enfin jusqu’à la savante harmonie du costume approprié au personnage et au décor décèle une femme du Nord, la femme raffinée et froide de race blonde, une passionnée pourtant, mais de la passion méditée et voulue et parfois un peu férocement voulue des blondes et des blonds.

Un peu nerveuse, elle vient de se retourner et voilà que machinalement ses yeux rencontrent son image reflétée là-bas, à l’autre bout de la pièce, dans le plan incliné d’un miroir : elle sourit. Juliette attendant Roméo, c’est presque le costume et c’est certes la pose.

Quinze ans, ô Roméo, l’âge de Juliette !
L’âge de vos désirs, quand le vent du matin
Sur l’échelle de soie au chant de l’alouette
Berçait vos longs adieux et vos baisers sans fin !

Et elle se revoit dans la longue robe blanche de la fille des Capulet, appuyant dans le même geste d’abandon sa tête et ses bras nus, non plus aux soieries bruissantes d’un intérieur