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L'Air et la Vitesse

On peut, certes, aller plus loin. D’autres canons plus monstrueux seront établis un jour ou l’autre, mais l’inéluctable loi de l’échelle assigne une limite aux dimensions du canon. Là encore, il ne suffit pas de multiplier par 10 un 75 pour faire un 750[1]. Le plus gros écueil, dans cette course à l’augmentation des calibres sera probablement la difficulté de construire une pièce qui puisse supporter l’énorme déflagration résultant de la transformation presque instantanée de très grosses charges d’explosif en énergie cinétique.

Au lieu de communiquer d’un seul coup toute son énergie au projectile, pourquoi ne pas distribuer celle-ci tout le long de la trajectoire, au fur et à mesure des besoins ? La propulsion continue doit être prise en considération, avec son corollaire, la sustentation continue ; et nous arrivons à l’idée de la torpille aérienne volante, rappelant par sa forme générale la torpille marine, avec un allongement beaucoup plus grand et, naturellement, une vitesse de translation très supérieure[2].

Quel pourrait être le rayon d’action d’un tel projectile ? Il serait téméraire de lui assigner des limites précises. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il est infiniment probable que l’on battrait facilement tous les records

  1. Nous faisons ici allusion à la loi qui veut que l’homothétie et la similitude n’existent pas en construction, loi extrêmement importante et bien méconnue en aéronautique. Nous traitons cette question en détail au chapitre II.

    Il est intéressant de constater que les Allemands aient adopté pour leur kanon un calibre moyen. Ils n’ont pas amplifié le 380, ils n’ont pas fait et ne pouvaient pas faire de l’homothétie.

  2. À ce sujet, on peut objecter qu’un engin comportant un propulseur, même très simple, présente, de ce fait, un poids mort supplémentaire ; mais si l’on veut bien remarquer qu’un projectile à longue portée, lancé par un canon, doit avoir nécessairement des parois extrêmement épaisses pour ne pas être mis en accordéon au départ, par les forces d’inertie (voir le projectile du kanon) tandis qu’un projectile à vitesse modérée n’a besoin que de parois très faibles, on verra que la balance penche néanmoins en faveur de ce dernier. C’est dans cet ordre d’idées que la bombe d’avion a une efflicacité, un rendement de destruction bien supérieurs à l’obus.