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naient aussi les infirmes, je n’ose dire le rebut des autres métiers, mais ceux qu’une infirmité naturelle ou quelque accident grave avait rendus incapables d’embrasser un état manuel (243). Par une bizarrerie inexplicable, pour une profession qui exige une ouïe si fine et si déliée, les sourds tiennent une place notable dans notre catalogue (244). Nous y voyons figurer des hydrophobes (245) et des épileptiques (246), un nain et force manchots (247). Enfin, puisque nous avons parlé de l’instituteur sans bras, nous rapporterons textuellement ici le portrait que l’inspecteur a tracé de cet homme extraordinaire. « Que dirai-je du phénomène que j’ai vu dans une des communes de ce canton (canton de Saint-Didier, arrondissement d’Issengeaux, Haute-Loire). Pierre Meiller, né sans bras, exerce depuis 43 ans les fonctions d’instituteur. Tout ce qu’on remarque d’instruction dans le pays, c’est à Meiller qu’on le doit. Sa plume, il la taille avec le pied ; ses modèles, il les trace avec le pied ; enfin, c’est avec le pied qu’il fait tout, et il fait tout bien. Cet homme extraordinaire est d’ailleurs plein de capacité, plein de bon sens. Déjà il est vieillard, cependant il n’a que le pain qu’il gagne à l’école. »

Malheureusement les éloges donnés à Meiller ne sont pas mérités par tous les infirmes qui forment une partie considérable des maîtres d’école. « J’ai remarqué, dit l’inspecteur de l’arrondissement de Pau, parmi ces médiocres et mauvais instituteurs, un tiers au moins d’estropiés, boiteux, manchots, perclus, jambes de bois, pour qui cette incapacité physique a été la seule vocation à l’état d’instituteur (248). »

Après ces instituteurs vivaces, attachés au sol par des racines profondes, viennent les instituteurs annuels. Ce sont les Béarnais (249), les Piémontais (250), les Brian-