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vailler en plein air, absolument par les mêmes raisons qu’on leur envoie aussi les enfants à instruire (96), sont souvent des premiers à fermer l’école, pour aller labourer ou bêcher (97), et trouvent fort mauvais qu’on leur conteste ce droit (98). Seulement, pour faire d’une pierre deux coups, et conserver encore le peu d’enfants qu’on leur laisse alors, ils commencent leurs travaux champêtres par leur jardin ou par la pièce de terre la plus voisine de la maison, et on pourra les trouver vers le commencement de mars menant ainsi la charrue, pendant que leur école est assemblée à quelques portées de fusil (99).

Parmi les causes plus particulières qui s’opposent çà et là à la propagation de l’instruction, nous citerons, dans le Jura, l’habitude d’employer, dès le plus bas âge, les enfants à colporter des fruits, de l’huile et du vin dans les montagnes (100) ; dans le Cantal, les émigrations annuelles des enfants qu’on envoie mendier ou ramoner dans les villes (101). Ailleurs, ce sera la vannerie, le tissage, la broderie ou le tricotage qui occuperont les enfants et les enlèveront à l’école (102). Mais de tous les usages auxquels on les emploie généralement, le plus fâcheux est peut-être la garde des bestiaux, des troupeaux, des oies (103). C’est là qu’éloignés de leurs familles, livrés à leurs seules pensées, à tous les mauvais penchants qu’excite le désœuvrement, ils perdent un temps si précieux pour l’éducation de leur esprit et pour la culture de leur âme. Est-ce bien une créature humaine qu’on voit errer dans les landes (104), seule pendant toute une semaine au milieu de ses vaches ou de ses pourceaux, sans reprendre le sentier de la maison paternelle que tous les dimanches ? Mais nous ne voulons pas insister sur les inconvénients de la vaine pâture si bien appréciés aujourd’hui, et si bien décrits par M. de Dombasle (105).