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chaque année (83). Tout le reste de l’année, dès l’âge de huit ou dix ans, ils suivent leurs pères dans les campagnes, et épuisent leur jeune sève dans des travaux qui souvent surpassent leurs forces. Pour peu que le pays qu’ils habitent embrasse des cultures variées, on les voit, dès le milieu de février, donner aux vignes le premier coup de bêche, puis il faut se reprendre à la seconde façon. Cependant, les pluies du printemps ont fait foisonner l’herbe dans les prairies ; on quitte la houe pour le râteau ; à peine les faneuses ont-elles achevé leur tâche que celle des moissonneurs commence. Tout bras est bon pour tenir la faucille, et si la main de l’enfant est encore trop débile pour scier l’épi, au moins peut-elle recueillir à distance la glane que la mère, qui le précède dans le sillon, a laissé prudemment échapper de sa javelle. Après les seigles, les blés et les avoines, on se prépare aux vendanges. Il n’est si petite main dans la contrée qu’on n’invite à couper la grappe, et voilà comme se passe la vie de l’enfant des champs (84). Il retourne, vers le milieu de novembre, à l’école qu’il a laissée depuis le milieu de février.

Qu’arrive-t-il alors ? Comme il a oublié, pendant cet intervalle, le peu qu’il pouvait avoir appris auparavant (85) ; comme sa main, alourdie par les travaux rustiques, par le poids de la houe, devenue calleuse et presque insensible, ne se prête plus à la souplesse des déliés ; comme le langage grossier qu’il a entendu depuis neuf mois lui a fait perdre le souvenir d’une langue plus civilisée, une nouvelle éducation recommence, et l’on ne peut guère estimer à moins d’un mois le temps qu’il lui faut pour regagner tout ce qu’il a perdu (86). Restent donc deux mois à peine : encore, faut-il se rappeler que c’est à l’époque de l’année où les jours sont le plus courts, les chemins le plus mauvais, les maladies le plus fréquentes. Si la classe s’ouvre à huit heures le matin, l’enfant qui habite le bourg pourra s’y rendre peut-être,