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lecture et des catéchismes à leurs nombreux enfants, pourront encore bien moins subvenir aux dépenses qu’entraîne l’écriture, et la plupart des enfants, sachant déjà bien lire, ne peuvent et ne pourront jamais par cette seule raison, apprendre à bien écrire.

Hautes-Alpes ; arr. d’Embrun, cant. de Guillestre. — La méthode individuelle, de temps immémorial, pratiquée dans presque tout ce canton, et seule goûtée des pères de famille qui repoussent les autres surtout par la crainte d’avoir à débourser quelques sous pour acheter des livres uniformes, au lieu de faire servir les bouquins dont ils ont hérité ou qu’ils achètent chez les revendeurs. — La méthode individuelle, disons-nous, est un grand obstacle aux progrès de l’enseignement dans ces contrées.

Charente-Inférieure ; arr. de Saintes. — Je commencerai par dire combien a été heureuse et féconde en résultats l’idée de M. le Ministre d’établir, dans la ville de Saintes, une école de conférences. J’ai retrouvé, dans leurs diverses communes, des instituteurs que j’avais reçus, dans le temps, avec une répugnance extrême et, seulement, faute de mieux, tant leur ignorance était grande ; et j’ai remarqué, avec la plus vive satisfaction, une amélioration sensible dans leurs méthodes et dans leur instruction. Ces hommes, naguères ignorants et grossiers, sont venus puiser, dans notre ville, avec des notions utiles, une sorte de politesse à laquelle ils étaient demeurés étrangers jusqu’alors, et des connaissances, sinon bien approfondies, du moins suffisantes pour le moment ; ils ont appris à apprendre, et il ne m’a point échappé qu’il existe, parmi ces instituteurs, une émulation, une solidarité de conduite et de bons principes qui doivent nécessairement tourner au profit de l’instruction primaire.

Mais, malheureusement, quelques instituteurs, n’ayant pu suivre le cours de cette école, se trouvent aujourd’hui, parmi les autres, comme des arbres arides, des taches au tableau, et, cependant, il faut bien le dire, quoiqu’à regret, leurs écoles ne sont pas les moins fréquentées ; je vais tâcher d’en donner les motifs :

Les instituteurs qui ont suivi, pendant six ou huit mois, les cours dont je viens de parler, ont senti cette espèce de dignité à laquelle leur profession leur donne quelques droits, et qui commençait à leur révéler les connaissances qu’ils venaient d’acquérir ; dès lors, ils ont cru pouvoir lutter contre les prétentions de l’ignorance ; ils n’ont plus voulu recevoir la loi des parents ; ils ont exigé que tous les enfants suivissent leurs écoles avec plus d’exactitude que par le passé ; ils ont désiré qu’ils eussent des livres uniformes, afin de pouvoir employer la méthode simultanée, pour laquelle les habitants de la campagne ont une horreur telle qu’ils menacent de retirer leurs enfants s’ils apprennent que cette méthode pénètre dans l’école.