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vaille la peine d’être conservée. C’est ce qui doit rassurer sur le sort de l’instruction primaire en France, les personnes dont le zèle, pour n’avoir pas rencontré d’abord un assez bon accueil, s’était trop tôt découragé, et qui ont craint alors que le peuple ne fût pas, comme on dit, mûr pour l’exécution de la loi. L’instruction d’un peuple n’est pas une œuvre d’impétuosité, mais de patience : l’homme n’a pas reçu le don d’improviser des choses durables.

Si la loi, s’adressant à des intérêts matériels, eût promis aux populations des compagnes un adoucissement visible et immédiat à leur misère, nul doute qu’elle n’eût été, tout d’abord, beaucoup plus justement appréciée (40). Quand il s’agit de préparer une route, tout le village court volontiers à la corvée, car chacun sait que ses denrées vont trouver, par cette voie, un débouché plus facile, et peut calculer d’avance les avantages et le degré d’aisance qu’il en espère pour sa famille. D’ailleurs, en vain entasserait-on contre cette vérité simple les raisonnements les plus subtils, le premier bien pour le pauvre n’est pas la culture de son intelligence ; le pain de la science est une figure qui n’apaise pas la faim de ses entrailles ; le goût de l’instruction suppose les premiers besoins satisfaits (41). Aussi, a-t-on vu les classes aisées répondre au vœu de la loi avant les conditions plus misérables, et les villes avant les campagnes.

Comment d’ailleurs la plupart d’entre elles auraient-elles pu se porter avec l’entraînement espéré, vers un bien dont elles ne connaissaient pas la douceur (42) ? Non seulement bien des communes sont dépourvues d’écoles, mais il n’est pas rare de trouver des cantons entiers où l’inspecteur n’en a pu signaler qu’un petit nombre, quelquefois une seule (43). D’autres fois enfin, il n’en a pas trouvé l’apparence dans un canton composé de 15 communes (44).