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convenablement rétribué. Le maître, qu’elles avaient provisoirement adopté, sous un régime entièrement différent de celui qu’introduit la loi nouvelle, trouvera, dans une commune moins importante, un emploi plus proportionné à ses forces, avec des avantages au moins égaux, peut-être supérieurs à ceux dont il avait joui jusqu’alors, car les émoluments, accordés volontairement par les communes, n’atteignaient pas ordinairement le minimum exigé aujourd’hui. « Non, leur dit-on, ce n’est pas ainsi qu’il faut l’entendre ; vous avez un instituteur communal, vous le garderez. » Il est vrai qu’on ajoute, « plus tard, s’il était incapable, après plusieurs admonitions, on verra. » En attendant, pour la peine que ces communes ont été les plus empressées à prévenir le vœu de la loi, en offrant elles-mêmes des avantages à leurs instituteurs, elles sont condamnées à ne pouvoir en choisir un meilleur. Heureuses celles qui n’ont jamais rien donné ! les voilà libres. — Mais on devait au moins nous prévenir, nous ne nous serions pas lié les mains : c’est par surprise qu’on nous impose un homme qui ne nous convient pas ; et la preuve que nous étions loin de nous attendre à ce dénoûment, c’est que nous avions voté la somme de 100 francs, à partager entre les deux instituteurs qui exercent dans notre ville (Château-Regnault). Nous voilà donc deux instituteurs communaux sur les bras, ou bien quel est véritablement le communal ? Voici d’autres preuves encore : nous avons bâti une école ; nous l’avons pourvue d’un mobilier d’enseignement mutuel, dans l’espérance d’y placer un directeur capable de répondre à nos intentions ; nous voilà donc forcés de la livrer à un homme que nous savons usé par l’âge, ou d’une discipline trop paternelle pour ce système, ou ignorant des procédés de la méthode. Alors le découragement s’en mêle, on se contente de voter le minimum ; on ne prend qu’un intérêt médiocre à l’instruction primaire du canton ; et là, où il eût été à désirer qu’il s’établît toujours une école-modèle pour servir d’exemple à toutes les communes rurales du voisinage, on pousse le temps de l’épaule, en attendant qu’il plaise à l’instituteur inamovible de vendre ou de céder son titre à quelque maître qui remplisse mieux le vœu de la commune. Pendant ce temps, le jeune homme sur lequel on avait compté pour élever une bonne école, fatigué de ces contrariétés, ou se retire de la carrière qu’il aurait honorée, ou passe dans une commune moins importante, dont l’école deviendra plus florissante que celle du chef-lieu de canton, ou bien enfin il va planter son drapeau à la porte même de l’instituteur communal qu’il devait remplacer, et le conseil municipal a le chagrin de voir déserter, pour une école privée, l’école communale qui lui a coûté tant de sacrifices. Je crois pouvoir, en résumé, exprimer le souhait que, tout en maintenant pour elle le droit d’examiner les propositions faites par le conseil municipal de chaque commune, l’Université ne se hâte pas trop inconsidérément de sanctionner des droits douteux, d’imposer aux communes des engagements qu’elles ont bien cru ne pas prendre ; de faire enfin de la rétroactivité contre les communes par la peur qu’elle témoigne d’en faire contre les instituteurs.