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Albano.

Avec vous ?

Dinarda.

Oui, avec moi. Adieu.

Elle sort.
Albano.

Vive Dieu : chassons ces pensées importunes. Il y aurait de quoi m’ôter la raison. Quelle ressemblance bizarre et cruelle ! Par moments je suis sur le point d’atteindre la vérité, et ensuite elle se dérobe à mes regards. Tantôt je ne puis douter que ce soit elle ; tantôt il me paraît impossible que ce le soit… Hélas ! qu’ai-je gagné à la voir ? Les sentiments qui n’existent plus dans son cœur se sont réveillés plus vifs que jamais dans le mien.


Entre CAMILO.
Camilo.

J’ai parcouru toute la ville pour vous trouver, et je me félicite de vous rencontrer en ce lieu.

Albano.

Doucement, Camilo ; qu’y a-t-il ?

Camilo.

Un homme mystérieusement enveloppé dans son manteau, un Espagnol arrivé ici depuis peu, s’informait de tous côtés de la demeure d’un certain seigneur Albano. Je me suis approché, j’ai satisfait à sa question, et lui ai demandé aussitôt ce qu’il vous voulait. Il m’a paru embarrassé, et m’a dit qu’il reviendrait. Après l’avoir vainement prié de s’expliquer, je l’ai suivi jusqu’à son logis, et j’ai interrogé ses hôtes sur son compte.

Albano.

Eh bien ?

Camilo.

On n’a rien voulu me dire. Mais j’ai couru vers le port, et là j’ai vu un navire valencien arrivé dans la matinée, qui, dit-on, avait amené plusieurs personnes de Séville.

Albano.

De Séville ?

Camilo.

Oui, et j’ai idée que ce cavalier n’est autre chose que don Félix.

Albano.

Cela se pourrait bien ; et sans doute qu’il médite quelque trahison.


Entrent LUCINDO et TRISTAN.
Lucindo.

Mon hameçon l’a piquée parfaitement.

Tristan.

Oui, et elle a mordu divinement.