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Camilo.

Je ne regrette pas cette démarche, puisque, par elle, vous avez été convaincu que ce cavalier est réellement un homme.

Albano.

Mon erreur m’aura du moins été utile, Camilo. Ce vivant portrait de Dinarda a bouleversé mon âme à tel point qu’il y a effacé pour jamais l’image de Phénice.

Camilo.

De même que le soleil naissant dissipe les ombres de la nuit, de même une passion insensée s’évanouit aux premières clartés d’un véritable amour. Remerciez le ciel, mon ami, qui vous a sauvé des plus grands périls. Je redoutais pour vous cette Phénice, qui est de toutes les femmes la plus perfide et la plus fausse.

Albano.

Oui, je me félicite d’avoir échappé à ses filets.

Camilo.

J’aperçois par la fenêtre des étrangers.

Albano.

Ce sont des Espagnols.

Camilo.

J’ai idée, à leur costume, qu’ils ne font que de débarquer.

Albano.

En effet, je les ai vus ce matin qui emmagasinaient leurs marchandises.

Camilo.

Sortons d’ici.

Camilo et Albano sortent.



Scène II.

Une rue.


Entrent LUCINDO, TRISTAN, DON FÉLIX et DONATO.
Don Félix.

L’amitié que j’ai conçue pour vous durant ce long voyage, la confiance que m’ont inspirée et la justesse de votre esprit et la noblesse de votre cœur, — tout cela, Lucindo, ne permet pas que je vous quitte si promptement, ni que je vous laisse ignorer le secret le plus cher de ma vie. Il est temps que je vous dévoile ce que j’ai caché si soigneusement à tous les yeux durant la traversée ; il est temps que je vous révèle le trouble de mon âme. — Retire-toi, Donato.

Lucindo.

Éloigne-toi, Tristan.

Don Félix.

Les lois du monde, Lucindo, ces lois capricieuses et insensées ont pesé sur moi de bonne heure et flétri pour jamais mon existence.