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tendrir par les larmes du crocodile, et il m’a dévoré pour récompense ! Ô ciel puissant ! considérez ma confiance et son artifice ; considérez que je retourne en mon pays plein d’amour et sans argent ; et vengez-moi de l’hameçon de cette femme !

Tristan.

Adieu, Sicile ! adieu, île d’embûches ! adieu, port de Palerme où se réfugient les pirates !… Adieu, Phénice ! adieu, chat délié ! adieu, vilain matou dont les ruses doivent servir d’enseignement à la jeunesse ! Puisse le ciel permettre qu’avant un mois d’ici ta peau serve de fourrure à un vieil avare libertin[1] !




ACTE TROISIÈME.



Scène I.

Une chambre.


Entrent DINARDA, habillée en homme, et BERNARDO.
Dinarda.

Eh bien, Bernardo, que signifie cet air de tristesse ?

Bernardo.

Je suis malade.

Dinarda.

Qu’avez-vous ?

Bernardo.

Je ne sais.

Dinarda.

Comment ! je ne sais ?

Bernardo.

Oui, je ne sais quel est mon mal.

Dinarda.

Peut-être que la terre ne vous convient pas ?

Bernardo.

Non, c’est le ciel qui m’éprouve. Ah ! de quelle cruelle douleur il m’accable ! de quel feu dévorant il embrase mon sein ! Ah ! Jésus ! j’en mourrai. — Tâtez-moi le pouls, je vous prie.

Dinarda.

Voyons un peu cela.

Bernardo.

Si vous avez assez d’amitié pour moi, veuillez appliquer votre autre main sur mon front.

  1. Ce couplet et le précédent, que nous avons été forcé d’abréger, forment chacun un sonnet dans l’original.