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de vous effrayer ; mais puisque vous m’accusez, je suis sortie pour défendre mon amour injustement outragé… Vous êtes ma vie, ma joie, mon bonheur ; vous êtes les yeux par lesquels je vois et l’air que je respire ; vous êtes la loi de ma volonté et l’âme de mon libre arbitre. Et puisque je vous parle si tendrement au milieu du malheur qui m’accable, croyez bien que le sentiment que mon cœur a pour vous n’est pas un vain caprice, mais l’amour le plus sincère et le plus ardent.

Lucindo.

Ô Phénice ! ou pour mieux dire, véritable phénix de beauté ! qu’est-ce donc que vous avez, mon cher bien ? que vous est-il arrivé ? confiez-le-moi, je vous prie… Quel chagrin a obscurci le brillant soleil de vos yeux, que me dérobe en ce moment un nuage de larmes ?

Phénice.

Ô adorable Espagnol ! j’oublie en vous voyant ma peine et mes ennuis pour ne penser qu’à vous. Et cependant si vous saviez…… vous me pardonneriez ces larmes que je verse.

Lucindo.

Au nom du ciel, expliquez-vous.

Phénice.

Cette lettre vous apprendra mes malheurs.

Lucindo.

Donnez. Lisons. (Il lit.) « Ma sœur, c’est la dernière fois qu’il m’est permis de vous appeler de ce nom. On m’a condamné à mort, et la sentence a été confirmée en appel. À la prière du prince de Butera, la partie adverse consent à se désister moyennant deux mille ducats : mais je n’ai aucun moyen de me procurer cette somme. S’il vous était possible de la trouver là-bas, rappelez-vous que je suis votre sang et sorti des mêmes entrailles que vous… De Messine, etc., etc. Antonio Phénix. »

Phénice.

Lettre fatale et funeste !

Célia.

Hélas ! ma maîtresse s’évanouit.

Lucindo.

Ô ma Phénice bien-aimée !

Tristan.

N’y aurait-il pas de l’eau céans ?

Célia.

Si fait.

Tristan.

Apportez-la.

Lucindo.

Non, Célia, reste ici ; je pleure, et mes larmes suffiront si tu veux