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Scène III.

Une chambre dans la maison de Phénice.


Entrent LUCINDO et TRISTAN.
Lucindo.

Il est singulier qu’elle ait fermé sa porte aujourd’hui.


Entre CÉLIA.
Célia.

Seigneur Lucindo, ma maîtresse vous prie de l’excuser si elle ne vous reçoit pas pour le moment ; les plus graves motifs l’en empêchent.

Lucindo.

Ah ! Célia, je me doutais bien qu’il n’était guère possible qu’une femme aussi dissipée fût capable d’un véritable amour. La constance ne s’allie pas avec cet emportement à la française[1]. Maintenant elle s’est éprise du beau don Juan de Lara… Hélas ! elle m’abandonne, elle me trahit après m’avoir rendu fou !

Célia.

Ne parlez pas ainsi de ma maîtresse, seigneur Lucindo ; c’est à vous seul qu’elle pense, c’est pour vous seul qu’elle soupire. D’ailleurs je vais l’avertir, et quelles que soient ses préoccupations, elle-même vous rassurera.

Célia sort.
Lucindo.

Écoute donc, Célia.

Tristan.

Elle est partie en colère.

Lucindo.

Que lui ai-je dit ?

Tristan.

Vous vous êtes plaint de sa maîtresse.

Lucindo.

Ah ! Tristan !

Tristan.

Calmez-vous.

Lucindo.

J’entends du bruit.


Entrent PHÉNICE et CÉLIA. Phénice est vêtue de deuil et tient une lettre à la main.
Lucindo.

Que signifie ce vêtement lugubre, madame ?… Vous pleurez.

Phénice.

Je ne voulais pas vous voir aujourd’hui, mon cher bien, de peur

  1. De même que les Italiens disent la furia francesa, les Espagnols la colera francesa.