Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Phénice, à Dinarda.

Enfin, don Juan, vous êtes décidé à ne pas récompenser ma tendresse ?

Dinarda.

Par pitié, Phénice, puisque je vous ai dévoilé mon cœur, ne m’éprouvez pas davantage. Mais faites une chose : obtenez sous quelque prétexte que le capitaine s’éloigne de Palerme, — vous y réussirez facilement, — et pendant son absence, je vous promets de correspondre à votre amour.

Phénice.

Je m’en rapporte à vous, mon cher bien, et j’accepte votre parole.


Entre CÉLIA.
Célia, bas, à Phénice.

Voici Lucindo qui vient.

Phénice.

De qui me parles-tu là ?

Célia.

Du marchand de Valence.

Phénice.

Délogeons. (À Dinarda.) Permettez, ô mes yeux ! que je prenne congé de vous.

Dinarda.

Adieu, ma déesse.

Phénice et Célia sortent.
Dinarda.

Poussée par une folle pensée, j’ai rompu les liens de la honte et de l’honneur, j’ai accouru de Séville en ce pays étranger. L’amour est à la fois mon excuse et ma condamnation. Mais, hélas ! que me sert d’avoir franchi la distance qui me séparait de l’objet aimé, si, en le retrouvant, je ne le vois que pour en concevoir mille soupçons jaloux ? Une nouvelle pensée l’occupe, il en aime une autre, et il faut que je cesse de l’aimer. Assez, assez, homme perfide et parjure ! Tout est fini désormais entre nous ! Le désabusement né de la trahison a, comme une herbe bienfaisante, guéri les blessures de l’amour[1].


Entrent LUCINDO et TRISTAN.
Lucindo.

Il paraît que Célia ne lui aurait pas rendu mon message ?

Tristan.

C’est que Phénice, je pense, a plusieurs hôtes chez elle.

Lucindo.

Cette maison ressemble au cheval de Troie ; elle est toujours remplie d’hommes d’armes.

  1. Dans l’original ce monologue forme un sonnet.