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Don Juan.

Dans quelle sphère, dans quelle planète les astrologues auraient-ils placé celle que j’aime en voyant sa beauté et son esprit ?

Citron.

Dans la sphère d’amour… c’est-à-dire assez loin de Madrid.

Don Juan.

Pourquoi cela ?

Citron.

Parce qu’à Madrid on ne connaît point l’amour. Il y règne seulement l’intérêt, la nouveauté, les cadeaux, les bijoux, et cætera.

Don Juan.

Alors Madrid est le séjour qui convient à un homme qui ne veut plus aimer.

Citron.

Mon Dieu, oui. Les galants d’autrefois vont à présent, la nuit, la tête enveloppée dans des espèces de casques en camelot, pareils aux capuchons des moines. Ces messieurs craignent le serein ; ils feraient mieux de craindre les dames qu’ils vont voir.

Don Juan.

J’entends du bruit. Qui vient là ?

Citron.

Dès qu’on vous a vu, l’on a mis pied à terre.


Entrent DON LOUIS et DIONIS.
Don Louis.

C’est vous, don Juan ?

Don Juan.

Qu’est ceci, seigneur ?

Don Louis.

J’ai pris la poste afin d’atteindre un ingrat… à qui je puis en ce lieu demander satisfaction.

Don Juan.

J’ai été obligé de partir à l’improviste, et il m’a été impossible d’aller prendre congé de vous.

Don Louis.

Ce n’est pas un ami véritable qui se fût en allé ainsi.

Don Juan.

J’ai voulu m’épargner la tristesse qui accompagne toujours les adieux.

Don Louis.

Vous êtes sans excuse.

Don Juan.

N’en est-ce pas une que d’avoir voulu conserver les égards dus à l’amitié ?