mule sur laquelle vous avez décampé lorsque vous laissâtes si gracieusement dans le pétrin mon pauvre maître. Donnez-nous donc de ses nouvelles ; car je suis de ceux qui s’intéressent à une mule et désirent savoir son nom, sa taille, sa couleur… sans quoi l’on pourrait dire qu’il y a eu erreur de copiste, comme dans le conte de ce peintre.
De quel conte veux-tu parler ?
Je vais vous le dire. — Un jour un hidalgo bel-esprit[1] commanda à ce peintre un tableau de la Cène, et, l’œuvre achevée, il l’alla voir, et trouva la table toute pleine, d’autant qu’il compta jusqu’à treize apôtres. Sur quoi, fort étonné, il dit : « L’ouvrage est manqué, et je ne le payerai point. Il y a ici un apôtre de trop. » « Emportez toujours, répliqua le peintre avec esprit ; s’il y a ici quelqu’un de trop, il s’en ira après dîner. » Homme de règle et de compas, non moins adroit que les hôteliers d’Italie[2], je compte sur votre exactitude, et j’espère trouver ici le treizième apôtre.
Sois tranquille, mon ami, on a gardé soigneusement la mule et la valise.
Il était toujours bon de le rappeler !
Je vous amène un hôte qui va, un peu malgré lui, honorer notre maison.
Et moi, de mon côté, j’amène un hôte qui, j’espère, ne sera pas moins bien accueilli[3].
Jésus, qu’est ceci ?
Ô ciel ! c’était sa sœur !
J’en suis émerveillé.
Et moi, confondu.
Quand on vient chez son ennemi, c’est que la réconciliation n’est pas loin.
- ↑ Un hidalgo bachiller.
- ↑ Littéralement : « Esprit de fil de pite. » Il fait allusion à ce qu’il a dit, dans l’avant-dernière scène de la seconde journée, sur l’adresse avec laquelle les hôteliers d’Italie cousaient ensemble les membres de différents oiseaux.
- ↑ L’espagnol est charmant. Léonarda dit : « Je vous amène une hôtesse (huespoda), » etc., etc., et Fernand répond : « Je vous la paye avec un hôte (huesped). »