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Don Fernand.

Don Juan.

Léonarda.

L’ai-je jamais vu pour que vous m’adressiez ce reproche ?

Don Fernand.

Non, je le sais, vous ne l’avez pas vu ; mais je crois que vous l’aimez : — car désormais pour aimer l’on n’a plus besoin de voir. — Don Juan m’a montré un portrait en me demandant si je connaissais l’original : ce portrait, c’était le vôtre. Que voulez-vous que je pense ?

Léonarda.

Je trouve cette curiosité bien naturelle chez un jeune homme. — Mais voulez-vous que je vous dise comment le portrait se trouve en ses mains ? Vous m’avez recommandé de ne le laisser manquer de rien, et comme je me trouvais sans argent, je lui ai envoyé cela.

Don Fernand.

En effet, la chose est parfaitement innocente. Un portrait est souvent un objet de grand prix.

Léonarda.

Le cercle d’or qui l’entoure a une certaine valeur.

Don Fernand.

Alors il fallait lui envoyer seulement le cercle d’or.

Léonarda.

Cela aurait pu l’humilier[1].

Don Fernand.

Voici déjà le soleil qui se lève. Il est temps que je rentre.

Léonarda, à part.

Don Fernand est jaloux de tout le monde.

Don Fernand, à part.

De tous côtés j’ai à me plaindre de l’amour.

Ils sortent.



Scène IV.

Dans la prison.


Entrent DON JUAN et CITRON.
Don Juan, tenant une lettre.

À peine la dame blanche et rose venait-elle de gagner la partie contre la dame noire sur l’échiquier du ciel, lorsque notre mystérieuse beauté a écrit ce billet[2].

  1. Il y a ici une grâce intraduisible. Elle porte sur le double sens du mot cerco, entourage et siége, et du verbe cercar, entourer et assiéger. — Ferdinand dit : « Celui qui met l’entourage (ou le siége) veut conquérir. » Et sa sœur lui répond : « Il n’est pas noble d’entourer (ou d’assiéger) avec de l’or. »
  2. Comme le prouve la réponse de Citron, Lope a eu évidemment l’intention de se moquer du langage affecté des cultistes.