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qui sont un composé de toute sorte d’ingrédients, et dont les salles de toilette pourraient bien s’appeler des salles de déguisement. Que je plains celui qui est obligé de déchirer tous ces fils à belles dents, et qui mange, entre l’ambre et la soie, du rouge, du blanc, et du vif-argent !

Don Louis.

Tu es impayable, Citron. — Mais avec les choses que tu dis, on perd bientôt les cheveux et la barbe.

Don Juan.

Ne l’écoutez pas ; il est fou.

Don Louis.

Rien ne peut vous distraire. — Eh bien, je veux vous mener voir la plus belle personne du monde.

Citron.

Voir n’est pas le mot. Mieux vaudrait dire entendre. Mais enfin, si elle parle bien, cela vous fera peut-être plaisir.

Don Louis.

Dionis, conduis le seigneur don Juan à l’Alcazar, du côté de Saint-Michel le Haut.

Don Juan.

Justement, don Louis, je voulais vous prier de me mener de ce côté-là. Une certaine dame qui savait que je sortirais cette nuit de prison m’y a donné rendez-vous.

Dionis.

Nous allons d’ici tout droit à la place de Zocodover.

Citron.

Aucune place ne peut être comparée à celle de Madrid.

Don Juan.

Tais-toi, imbécile.

Citron.

Qui donne du lustre à une ville ?

Don Louis.

Les nobles gens qui l’habitent.

Citron.

Alors aucune ville n’est comparable à Madrid ; car tous les matins — on voit sur la place un millier d’hidalgos.

Don Juan.

Qui appelles-tu des hidalgos ?

Citron.

Les commissionnaires de la montagne, qui fourniraient de noblesse et de vin cent villes d’Espagne[1].

Don Louis.

Ce qui fait la beauté de la nature, c’est la variété.

Citron.

Et aussi la nouveauté. — Or, Madrid réunit ces deux agréments ;

  1. Les Asturiens sont presque tous nobles, et c’étaient eux qui vendaient le vin.