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au lieu de vertugadins, je n’ai vu que leurs fers ; et en fait de doux propos, je n’ai entendu que leurs jurements.

Inès.

Eh bien, soit !… mais regardez vite… je suis pressée… Je n’ai pas voulu passer près d’ici sans vous dire un petit bonjour.

Don Juan, prenant le portrait.

Dieu ! quelle beauté !… se trouve-t-il donc hors du ciel un ange qui soit aussi parfait ?

Citron.

Montrez-moi voir. (Il regarde le portrait.) Oui ! on ne lui donnerait guère plus de quarante à quarante-cinq ans.

Inès.

Que dites-vous ? Elle n’a pas seize ans accomplis.

Citron.

Peste ! ce ne serait pas mal de posséder ce jeune cœur.

Inès.

Seigneur don Juan, je ne puis m’arrêter davantage. — Rendez-moi cela.

Don Juan.

Oh ! non, ma chère.

Inès.

Comment ! non ?

Don Juan.

Laisse-le-moi ; je le ferai raccommoder par un orfévre qui est ici avec nous.

Inès.

Et ne voyez-vous pas que si je reviens sans l’avoir…

Don Juan.

Sois sans inquiétude ; tu diras que c’est moi.

Inès.

Allons, il faut que pour un caprice de vous, je m’expose à la colère, aux reproches de ma maîtresse !… Au moins, songez-y bien, je ne vous le laisse que pour aujourd’hui.

Don Juan.

Demain sans faute je te le rends.

Inès.

Vous me le promettez ?

Citron.

Je suis sa caution.

Inès.

Eh bien, adieu.

Don Juan.

Dites bien à votre belle maîtresse que je suis son esclave pour la vie.

Citron, à Inès.

Et moi, que suis-je ?