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Inès.

Comme vous voudrez.

Léonarda, lisant.

« Un homme qui offense par son amour peut-il s’excuser de son audace ? Si l’amour excuse tout, peut-on s’excuser alors qu’on offense avec son amour ? Je persiste malgré mes désabusements ; et en effet, comment pourrait-il regarder ce bien comme un mal celui qui regarde son mal comme un bien ? Ne vous fâchez pas de ce que je vous aime, ni même de ce que je vous écris ; car la première de ces choses est indépendante de ma volonté, et la seconde n’est que la conséquence de la première. »

Inès.

C’est bien dit cela !

Léonarda.

C’est fort bien, quoiqu’un peu prétentieux. Don Louis a de l’esprit.

Inès.

Et vous avez tort de le traiter avec ce dédain.

Léonarda.

Lisons maintenant la lettre du seigneur don Juan d’Aguilar.

Inès.

Vous prononcez son nom doux comme miel[1].

Léonarda.

Tais-toi, sotte. — Comment veux-tu que je l’aime ne le connaissant pas ? (Elle lit.) « Il me semble, madame, que c’est de vous que je suis prisonnier ; car les chaînes les plus fortes sont celles de la reconnaissance. Bientôt, sans doute, on me rendra ma liberté, mais de vous je serai toujours l’humble esclave. La justice est singulière de m’arrêter, moi qui n’ai pas tué cet homme, et de vous laisser libre, vous qui m’avez tué… d’autant que je n’ai jamais ouï dire que l’on ait donné à personne pour deux cents écus de poison. »

Inès.

C’est fini ?

Léonarda.

Que veux-tu de plus dans un billet ?

Inès.

C’est fort joli.

Léonarda.

Si l’on peut juger par-là de don Juan, il a beaucoup d’esprit et de grâce. Il m’occupe déjà. Je commence déjà à l’aimer.

Inès.

Vous pouvez m’en croire, c’est un cavalier parfait.

  1. Littéralement : « Vous le nommez avec du sucre dans la bouche. »