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qui parle la langue nouvelle en faisant sonner ces mots substance et réduction[1], enveloppé jusqu’au cou d’un manteau de camelot, et qui porte d’énormes favoris[2], est comme ces fleuves perfides qui sont d’autant plus profonds qu’ils paraissent plus paisibles. — Bref, dites-moi votre nom ; et puisque le maître et la maîtresse s’aiment, nous autres serviteurs aimons-nous.

Inès.

Le drôle est aimable et finira par me plaire. — On n’a jamais si bien chanté en cage.

Citron.

Votre nom, s’il vous plaît ?

Inès.

C’est celui de la sainte qui porte un agneau dans ses bras.

Citron.

Pourvu que l’agneau ne grossisse pas trop, je voudrais être dans vos bras, charmante Inès ; mais si l’agneau devait par trop grossir, je n’en suis plus, je me sauve.

Inès.

Et vous, votre nom ?

Citron.

Il est fort d’usage en Castille.

Inès.

Mais enfin ?

Citron.

Citron.

Inès.

Aigre ?

Citron.

Et doux… c’est selon.


Entre DON JUAN ; il tient à la main une lettre.
Don Juan.

Tenez, portez ceci à votre maîtresse. Offrez-lui en même temps cette bague comme un témoignage de ma reconnaissance, et dites-lui que je lui appartiens pour la vie. — Pour vous, acceptez ces doublons sur ceux que vous m’avez apportés.

Inès.

Ma maîtresse va devenir prisonnière avec vous. — Je prends la bague comme souvenir ; mais pour l’argent, je ne puis l’accepter.

Don Juan.

Foi de cavalier…

Inès.

Vous ne me persuaderez pas.

  1. Ces mots (substancia et reduccion), alors nouveaux en Espagne, faisaient probablement partie du vocabulaire des cultistes.
  2. Littéralement : « Et qui, avec la guedexa (les cheveux qui sont sur les tempes) et les favoris, paraît un demi-masque. »