Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

liers ; mais presque au même instant l’un d’eux, — celui-ci, — est tombé ; et quant à l’autre, je n’en puis douter, il se sera emparé de ma mule et l’aura pressée de manière à laisser sur moi le soupçon de cette mort.

Citron.

Que l’on fasse un troc de joyaux ou d’épées, je l’admets sans peine ; mais prendre à un homme sa mule et en échange lui laisser un mort, cela ne me semble pas équitable.

L’Alguazil.

Pas de discours, marchons. Tout s’éclaircira à Tolède.

Don Juan.

Nous voilà bien ! Avec la mule il m’a pris ma valise… et pour lui je suis accusé d’avoir donné la mort à un homme que j’ai vu seulement quand il l’a eu tué.

Citron.

Et moi, est-ce que je suis arrêté moi aussi ?

Le Greffier.

Certainement.

Citron.

Eh bien ! messeigneurs, en ce cas arrêtez aussi ma mule ; car si c’est un crime que de tuer un homme, elle a commis ce crime-là… elle m’a écorché tout vif.

Ils sortent.



Scène II.

Dans la maison de don Fernand.


Entrent LÉONARDA et INÈS.
Inès.

Allons, madame, il faut vous décider, il faut choisir.

Léonarda.

Ne me parle pas de cela. Il est trop tôt pour aimer.

Inès.

Heureusement que pour aimer il n’est jamais trop tard.

Léonarda.

Je le sais, l’amour fait faire des folies à tout âge.

Inès.

Si de tendres paroles peuvent toucher votre cœur, et il me semble que vous n’êtes pas insensible, laissez là votre broderie[1], mettez-vous à votre balcon[2], et mélancolique Xarife vous verrez le galant Audalla[3].

  1. Mot à mot : « Laissez la manche que vous brodez. »
  2. Ponte a las rejas azules.

    La reja c’était proprement la fenêtre du rez-de-chaussée, garnie de barreaux. — Il paraît, d’après l’épithète azules (bleus), que les barreaux étaient peints.

  3. Le Maure Audalla a été célébré par les romances espagnoles.