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L’Écuyer.

Indiquez-moi-les donc.

Théodora.

C’est le mariage entre égaux ; et entre gens d’inégale condition, c’est l’intérêt. C’est par là, je le vois, que l’infant veut nous prendre.

L’Écuyer.

Parlez plus bas ; car j’aperçois don Arias.

Théodora.

C’est un courtisan très-complaisant[1].

Arias, à Théodora.

Le ciel vous garde mille années !

Théodora.

Mille années ! je vous remercie. J’en ai bien assez de celles que j’ai déjà.

Arias.

Je ne parlais pas de celles que vous avez ; mais de celles que je vous désire. — Dans quelles dispositions venez-vous ?

Théodora.

Avec mille désirs de vous être agréable, et au prince.

Arias.

Vous allez gagner aujourd’hui un ami puissant.

Théodora.

Je serais trop heureuse si je pouvais m’employer à son service. — Mais sait-on bien qui je suis ?

Arias.

On le suppose d’après votre nièce Dorothée. Si un peintre voulait personnifier la vertu, ce qu’il pourrait imaginer de mieux, ce serait de faire le portrait de votre nièce, qui est l’honneur même. — Mais voici l’infant.


Entre l’infant DON HENRI.
Henri.

Soyez mille fois la bienvenue, mon amie la plus chère, ma joie, mon espoir, ma consolation, mon bonheur, mon excellente dame Théodora. Je vous porte dans mon cœur… Comment vous trouvez-vous, ma chère et respectable amie ?… et comment pourrais-je vous prouver mon dévouement ?… Vous ne savez pas combien je vous aime. Vous ne savez pas que je fais plus de vœux pour votre santé que pour celle même du roi. Que de fois j’ai parlé de vous avec don Arias, et de l’estime toute particulière que vous m’avez inspirée !… Que t’ai-je dit, don Arias ? Que t’ai-je dit de mes sentiments pour elle, pour cette chère amie ?

  1. Il y a ici un jeu de mots intraduisible ; il porte sur le double sens du mot corredor : 1o corridor ; 2o courtier, entremetteur. Littéralement : « Parlez plus bas, car j’aperçois don Arias dans le corridor. — Oui, il veut être le courtier, l’entremetteur de ces amours. »